L'assurance emprunteur est un élément clé dans la sécurisation des prêts immobiliers. Elle garantit le remboursement d'un prêt en cas d'incapacité de l'emprunteur à honorer ses échéances, due à un décès, une invalidité ou une perte d'emploi.
Bien que la loi en France permette aux emprunteurs de souscrire leur assurance auprès de l'assureur de leur choix (grâce aux lois Lagarde, Hamon, et plus récemment Lemoine), les banques continuent de dominer ce marché.
Cet article explore pourquoi les banques conservent une grande part du marché de l'assurance emprunteur malgré les efforts législatifs pour ouvrir la concurrence.
1. La domination historique des banques sur le marché de l'assurance emprunteur
Historiquement, les banques ont toujours été les principaux fournisseurs d'assurance emprunteur. Lorsqu'un particulier contracte un prêt immobilier, la banque propose presque systématiquement une assurance groupe, c'est-à-dire une assurance souscrite par l'établissement pour l'ensemble de ses clients.
Cette assurance groupe est généralement incluse dans le package proposé par la banque au moment de l'offre de prêt.
Facilité et rapidité : Pour l'emprunteur, accepter l'assurance groupe proposée par la banque est souvent perçu comme une solution simple et rapide. En effet, la banque gère tout de A à Z, et l'emprunteur n'a pas besoin de faire de démarches supplémentaires pour obtenir une couverture. Cette simplicité joue un rôle majeur dans la décision de nombreux emprunteurs, souvent peu enclins à complexifier le processus de souscription à un prêt immobilier.
Force de l'habitude : Les banques bénéficient également d'une inertie liée à la tradition. Pendant longtemps, l'idée de chercher une assurance emprunteur en dehors de l'établissement prêteur ne traversait même pas l'esprit des emprunteurs. Ce réflexe a permis aux banques de consolider leur position dominante sur ce marché.
2. Les législations favorables à la concurrence : une remise en question difficile
Au fil des années, plusieurs lois ont été mises en place pour favoriser la concurrence sur le marché de l'assurance emprunteur. L'objectif de ces lois est de permettre aux emprunteurs de choisir librement leur assurance et de potentiellement réduire le coût global de leur crédit.
Loi Lagarde (2010) : Cette loi a été la première à introduire la possibilité pour les emprunteurs de choisir une assurance différente de celle proposée par leur banque. Elle impose aux banques d'accepter une délégation d'assurance si celle-ci présente des garanties équivalentes à celles de l'assurance groupe.
Loi Hamon (2014) : La loi Hamon a renforcé cette possibilité en permettant aux emprunteurs de résilier leur contrat d'assurance emprunteur à tout moment durant la première année suivant la signature du prêt.
Amendement Bourquin (2018) : Cet amendement permet à l'emprunteur de résilier son assurance emprunteur chaque année, à la date anniversaire du contrat, et de souscrire une autre assurance, potentiellement moins chère.
apports de la Loi Lemoine pour les emprunteurs : La vrai révolution pour le marché de l’assurance emprunteur, elle permet de changer son assurance emprunteur sans attendre la date d’anniversaire du contrat, Malgré ces mesures, la part de marché détenue par les banques reste élevée, ce qui soulève la question de l'efficacité réelle de ces législations.
3. Les pratiques commerciales des banques : un frein à la concurrence ?
Plusieurs éléments expliquent pourquoi les banques continuent de dominer le marché de l'assurance emprunteur, malgré l'ouverture théorique à la concurrence.
L'effet de levier : Lors de la négociation d'un prêt immobilier, les banques utilisent souvent l'assurance emprunteur comme levier pour influencer les conditions du crédit. Elles peuvent, par exemple, proposer un taux d'intérêt plus avantageux en échange de l'acceptation de leur assurance groupe. Pour un emprunteur soucieux de réduire son taux d'intérêt, cette offre peut sembler alléchante, même si elle se traduit par un coût total plus élevé sur la durée du prêt.
Manque de transparence : Bien que les lois imposent aux banques d'accepter des assurances alternatives, celles-ci ne sont pas toujours transparentes sur les critères d'équivalence des garanties. Cela peut décourager les emprunteurs de chercher une assurance ailleurs, par crainte de voir leur demande de délégation d'assurance refusée.
Pression commerciale : Les conseillers bancaires, souvent en position de force lors de la négociation du prêt, peuvent influencer fortement les emprunteurs pour qu'ils acceptent l'assurance groupe. Cette pression commerciale s'ajoute au manque d'information et de connaissance des alternatives par les emprunteurs, les incitant à choisir l'option proposée par la banque.
4. Le manque de connaissance des alternatives par les emprunteurs
Une des raisons majeures pour lesquelles les banques conservent une part importante du marché de l'assurance emprunteur est le manque de connaissance des alternatives par les emprunteurs.
Beaucoup ignorent qu'ils peuvent souscrire à une assurance externe, souvent plus compétitive en termes de coût, tout en bénéficiant de garanties équivalentes ou supérieures.
Complexité perçue : La recherche d'une assurance emprunteur en dehors de la banque est perçue comme une démarche complexe. Les emprunteurs doivent comparer les offres, comprendre les garanties proposées, et s'assurer de l'équivalence des conditions. Cette perception de complexité pousse de nombreux emprunteurs à opter pour la solution la plus simple : l'assurance proposée par la banque.
Manque d'accompagnement : Les emprunteurs sont souvent livrés à eux-mêmes lorsqu'il s'agit de chercher une alternative à l'assurance groupe. Les courtiers en assurance peuvent jouer un rôle clé dans l'accompagnement, mais leur intervention n'est pas systématique. Sans ce soutien, beaucoup d'emprunteurs préfèrent rester avec l'option bancaire.
5. L'impact des innovations technologiques et des nouveaux acteurs sur le marché
Malgré la domination des banques, le marché de l'assurance emprunteur est en train de changer grâce à l'essor des technologies et l'arrivée de nouveaux acteurs.
AssurTech et digitalisation : Les AssurTech, ces startups spécialisées dans les assurances, apportent une nouvelle dynamique au marché. Grâce à la digitalisation, elles proposent des solutions d'assurance emprunteur plus transparentes, personnalisables, et souvent moins chères. Les emprunteurs peuvent désormais comparer les offres en ligne, souscrire une assurance, et gérer leur contrat en toute simplicité via des plateformes numériques.
Courtiers en ligne : Les courtiers en assurance en ligne facilitent également la comparaison des offres et la souscription d'une assurance emprunteur. Ils jouent un rôle d'intermédiaire entre les emprunteurs et les assureurs, simplifiant le processus de délégation d'assurance. Cela peut réduire l'influence des banques, en rendant l'accès aux alternatives plus facile et plus attractif.
Prise de conscience croissante : Avec l'information de plus en plus accessible en ligne, les emprunteurs deviennent progressivement plus conscients de leurs droits et des alternatives disponibles. Cette prise de conscience pourrait, à terme, réduire la part de marché des banques, même si ce changement prendra du temps.
6. Conclusion : Un marché en transition, mais encore sous contrôle bancaire
En conclusion, bien que la législation française ait introduit des mécanismes pour favoriser la concurrence sur le marché de l'assurance emprunteur, les banques continuent de dominer ce secteur. Leur position historique, leur force de vente, et les pratiques commerciales qu'elles emploient, combinées au manque de connaissance des alternatives par les emprunteurs, expliquent cette situation.
Cependant, l'émergence des AssurTech et des courtiers en ligne, ainsi que la montée en puissance de la digitalisation, commencent à remettre en question cette domination. Il est probable que, dans les années à venir, le marché de l'assurance emprunteur évoluera vers une plus grande diversité d'offres et une concurrence plus équitable, au bénéfice des consommateurs.
Pour les emprunteurs, il est essentiel de s'informer, de comparer les offres, et de ne pas céder à la facilité de choisir l'assurance proposée par la banque sans examiner d'autres options. Avec les bons outils et une meilleure connaissance du marché, ils peuvent faire jouer la concurrence à leur avantage et potentiellement réaliser des économies significatives sur le coût total de leur crédit immobilier.
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